Décarbonation : l’Europe et la Chine, deux visions opposées pour un même enjeu industriel

Dans une tribune récente, Christian de Perthuis indiquait combien un front commun animé par la Chine et l’Union Européenne pour contrer l’offensive anti-climat de l’Amérique trumpienne serait utile. Il en soulignait aussi toutes les difficultés. Dans un article publié le 20 novembre sur le site de Connaissance des Énergies Tuong-Vi An-Gourfinkel, Consultante en climate tech, en souligne les raisons.

En voici une synthèse de la rédaction BBCA avec des liens pour en savoir plus.

 

À la COP30, la coopération entre l’Union européenne et la Chine se limite à une façade diplomatique. Derrière une convergence apparente sur les objectifs de l’Accord de Paris, les deux puissances suivent des trajectoires radicalement opposées. L’Europe mise sur la résilience énergétique, tandis que la Chine consolide son ascension industrielle et redéfinit les rapports de force du monde bas carbone. Cette divergence, à la fois stratégique et idéologique, déterminera qui dominera les filières clés de demain.

Construire des usines vs. construire des règles

La Chine domine 60 % de la production mondiale de terres rares et contrôle 85 à 90 % de leur transformation, une étape critique pour les batteries, panneaux solaires et aimants permanents. Elle détient aussi plus de 80 % des capacités manufacturières solaires et produit les trois quarts des batteries lithium-ion. Face à cette hégémonie, l’Europe a développé un cadre réglementaire robuste : marché carbone (ETS), taxe aux frontières (CBAM), taxonomie verte et normes environnementales strictes. Pourtant, en 2025, cette élégance institutionnelle révèle une faiblesse criante : l’UE dépend à 98 % de la Chine pour ses terres rares, une vulnérabilité aggravée par les restrictions chinoises à l’exportation.

Résilience vs. refondation civilisationnelle

L’Europe adopte une stratégie défensive, visant à sécuriser ses chaînes de valeur et à protéger ses industries existantes. Son arsenal – ETS, CBAM, taxonomie – discipline les comportements sans créer de nouvelles capacités industrielles. La Chine, elle, joue l’offensive : sa transition énergétique s’inscrit dans une vision civilisationnelle, mêlant souveraineté technologique et renaissance nationale. Pékin investit massivement dans l’offre, construisant usines et infrastructures pour rendre la transition inévitable, tandis que l’Europe mise sur la demande, via des mécanismes de marché et des incitations.

L’Europe face à ses limites

L’UE tente de réindustrialiser certains segments (batteries, électrolyse, éolien offshore), mais ses obstacles sont majeurs : coût élevé de l’énergie, lenteur des autorisations, fragmentation des chaînes de valeur et aversion au risque. Sans coordination stratégique, elle reste en position défensive face à une Chine qui assume vitesse, intégration verticale et prise de risque.

Le défi européen : cibler les filières où l’UE peut encore rivaliser

L’Europe ne peut rivaliser sur tous les fronts. Son avantage réside dans des niches technologiques : réseaux intelligents, éolien offshore flottant, électrolyse, matériaux avancés et recyclage. Mais sans changement d’échelle et de culture industrielle, elle risque de rester une puissance normative dans un monde façonné par ceux qui produisent.

« Dans l’économie bas carbone, celui qui fabrique les machines finit par écrire les règles. Sans un changement d’échelle et de culture stratégique, l’Europe restera une puissance normative dans un monde façonné par ceux qui produisent. » C’est la conclusion percutante de l’article de Tuong-Vi An-Gourfinkel.

 

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