« On ne peut progresser dans une recherche d’économies carbone que si l’on est capable de mesurer l’empreinte carbone de nos bâtiments »
Laurence Desmazières est Managing Partner d’Icawood, membre active BBCA et lauréate des Pierres d’Or 2025 « Avenir ». Une rencontre en 6 questions sur ses engagements et ceux d’Icawood, les défis de la décarbonation de l’immobilier et le rôle de BBCA.
Comment cette distinction reflète-t-elle vos contributions et engagements envers la décarbonation dans le secteur immobilier ?
Laurence Desmazières. Cette distinction récompense le travail mené conjointement par ICAWOOD et WO2 pour innover sans cesse, inventer de nouveaux lieux de travail, toujours « mieux qu’à la maison » et bas carbone. C’est la reconnaissance de notre travail d’équipe, de notre engagement quotidien et total pour repousser les « ah non ça c’est pas possible » du quotidien quand il s’agit de continuer à trouver les moyens de baisser l’empreinte carbone de nos immeubles tout en créant des lieux exceptionnellement beaux, chaleureux, et confortables.
Quelles initiatives majeures avez-vous mises en place (ou sont en préparation) chez Icawood pour accélérer la décarbonation de vos actifs à court ou moyen terme ?
Laurence Desmazières. L’impact d’Icawood peut être mesuré par quelques chiffres simples :
- ICAWOOD, à l’été 2025, c’est près de 350 000 m² d’immeubles bas carbone en chantier et en développement.
- une division par 2 de l’empreinte carbone des bâtiments par rapport à une construction conventionnelle sur leur cycle de vie
- des immeubles pensés pour le bien-être et la santé des occupants
Nous apportons la preuve que les capitaux institutionnels peuvent soutenir la transition écologique, en accompagnant l’industrie immobilière dans sa décarbonation.
Avec ICAWOOD, les actifs immobiliers divisent par deux leur empreinte carbone par rapport à une construction conventionnelle de dernière génération avec notamment :
– Le bois massif quand il s’agit de construire
– La sobriété architecturale
– Le réemploi et recyclage quand il s’agit de rénover et restructurer
– La réduction des consommation énergétiques
– L’utilisation de sources d’énergies décarbonées, par exemple la géothermie que nous déployons à Arboretum, le plus grand projet bas carbone en bois massif d’Europe à ce jour.
En particulier, comment les matériaux biosourcés, comme le bois, contribuent-ils à la décarbonation de l’immobilier, et quels sont les défis à surmonter pour une adoption plus large de ces matériaux en Europe ?
Laurence Desmazières. Le bois est par nature un matériau renouvelable. Sa contribution à la décarbonation du bâtiment est puissante. L’arbre stocke du carbone durant sa phase de croissance (contrairement au béton dont la réaction chimique est, elle, émettrice de CO2), réduisant ainsi l’empreinte carbone des bâtiments en transformant notre immobilier en un puits de carbone sur le long terme. Les défis pour une adoption plus large du bois massif sont nombreux, et en premier lieu les sujets de transformation des us et coutumes en matière de conception car l’utilisation du bois massif type Cross Laminated Timber nécessite de modifier profondément la façon de concevoir les immeubles, pour, notamment, en maîtriser les coûts.
Comment votre engagement au sein de l’Association BBCA influence-t-il vos stratégies de décarbonation, et quels sont les projets ou initiatives spécifiques de l’association qui vous inspirent le plus dans votre travail ?
Laurence Desmazières. Les émissions de gaz à effet de serre ont lieu tout au long du cycle de vie d’un actif immobilier : Construction, Exploitation, Fin de vie. Les émissions de la phase Construction peuvent, à elles-seules, représenter jusqu’aux 3/4 des émissions d’un bâtiment neuf de bureau sur une durée de vie conventionnelle de 50 ans.
Or, on ne peut progresser dans une recherche d’économies carbone que si l’on est capable de mesurer l’empreinte carbone de nos bâtiments.
C’est la raison même de la création de l’association BBCA en 2015 par des acteurs majeurs de l’industrie immobilière : mettre au point la première méthode au monde de calcul de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf sur tout son cycle de vie et se fixer des objectifs de performance.
L’Association a ainsi créé une comptabilité carbone pionnière et scientifique, reconnue d’intérêt général !
Et les labels BBCA sont désormais une référence pour toute la chaine de valeur de l’immobilier. C’est une aventure très inspirante.
Quelles sont selon vous les prochaines étapes cruciales pour le secteur immobilier afin de continuer sur la voie de la décarbonation, et comment les jeunes professionnels peuvent-ils contribuer à cette transformation ?
Laurence Desmazières. Le secteur de l’immobilier a déjà franchi un certain nombre d’étapes dans le développement du bas carbone, comme le montrent les chiffres de l’Association. Pour aller plus loin, l’enjeu des prochains mois / années sera d’obtenir du recul sur la capacité des produits bas carbone de surperformer leurs concurrents, en matière de commercialisation locative comme en matière de valorisation. Peut-être une idée de baromètre pour l’Association BBCA !
Et je note que des secteurs immobiliers nouveaux s’ouvrent à l’approche bas carbone, notamment les bâtiments logistiques, mais aussi des quartiers entiers de villes.
Les perspectives sont donc très attrayantes pour des jeunes professionnels soucieux de participer à la construction d’une ville décarbonée.
Un dernier mot à ajouter ?
Laurence Desmazières. Comme dans toutes les crises immobilières, les forces destructrices sont autant à l’œuvre que celles créatrices. La décarbonation du bâti et son adaptation au changement climatique feront partie des chemins de sortie de crise, tout comme la capacité à repenser l’usage des immeubles obsolètes.
À propos d’Icawood
ICAWOOD est un fonds d’investissement lancé en 2019 par ICAMAP et Ivanhoé Cambridge (La Caisse) pour concevoir et développer des bureaux à faible émission de carbone de nouvelle génération dans la métropole du Grand Paris. Le fonds est géré par ICAMAP. Ivanhoé Cambridge, actionnaire de référence d’ICAWOOD, préside le Conseil des Investisseurs. ICAWOOD regroupe douze investisseurs institutionnels et familiaux de renommée internationale. La capacité d’intervention en fonds propres d’ICAWOOD s’élève à 750 millions d’euros et ICAWOOD développe aujourd’hui 350 000 m2 d’opérations mixtes bas-carbone. Les projets sont développés selon les techniques constructives bas-carbone mises au point par WO2, promoteur d’immobilier tertiaire bas carbone, fondé par Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic.